deux amies prisonnières (pv Kyoki)

Lynhild se dirigea d'un pas chancelant vers les cachots. Kyoki... Kyoki s'y trouvait... ? La jeune damnée sentait son cœur s'accélérer. Qui savait ce que Karya était capable de faire à la jeune neko ? La haine augmentait en elle. Tant qu'elle était la seule à être en danger, elle parvenait à accepter la situation, mais la simple idée que son amie souffre tout ce qu'elle avait souffert la mettait hors d'elle. Une fois parvenue dans la Crevasse des larmes, elle se mit à trembler légèrement, craignant d'avoir une preuve visuelle de ce qu'elle avait appris par son pire ennemi. Preuve qui lui fut bientôt fournie. Kyoki se trouvait dans un des cachots. Lynhild s'approcha en silence. Elle sentait la pulsation régulière de son sang dans ses veines au travers de sa blessure à la main, et sa tête, suite au coup qui l'avait assommée, la faisait toujours souffrir. Elle murmura :

"Ainsi dans sa toile tu fus prise toi aussi,
Kyoki. Ma camarade, mon amie...
Ses mots, je les entends encore en moi.
Mon coeur fut par ces paroles déchiré,
Depuis, elles ne m'ont pas quittée,
Ravivant constamment mon émoi.
Dis-moi que tu vas bien, qu'aucune blessure
Ne te fais souffrir, toi qui ne devrais être enfermée,
Toi qu'aucun lien ici n'enchaine, vieilles déchirures
Que nous ne pouvons jamais refermer."

L'amertume et le désespoir se sentaient dans la voix morne et lasse de Lynhild. Pourquoi Karya lui faisait-il supporter cela ? Après sa famille, ne s'était-il pas suffisamment abreuvé du sang des êtres qui lui étaient chers ?

Kyoki était tristement assise, au fond de sa cellule. Elle allait revoir Lynhild, si Karya ne lui avait pas mentit. Chose plutôt étonnante venant de lui ! Elle soupira et se massait les poignets, légèrement endoloris par les chaînes. Elle interrompit son geste répétitif en entendant des bruits de pas. Elle reconnut immédiatement l'odeur de son amie. Elle releva la tête et l'aperçut. Comme la jeune damnée semblait triste de voir son alliée enfermée. Et ça se comprenait ! Karya était leur pire ennemi, se retrouver prisonnières chez lui était ce qui pouvait leur arriver de pire ! À chaque mot que Lynhild prononça, la jeune neko sentait une boule lui remonter dans la gorge. Ne supportant pas le désespoir dont sa camarade faisait preuve, la jeune fille-chat essaya de la réconforter un peu :

"Ne t'en fait pas, dit-elle, essayant avec tant de bien que de mal de sourire, je vais bien ! Et puis, je sais que nous arriverons à retourner à Cathara saines et sauves !"

Elle avait dit ça l'air plutôt déterminé, mais sa voix tremblait monstrueusement d'incertitude.

Lynhild sourit tristement. Partir ? Oui... Il fallait qu'elle trouve un moyen de faire partir Kyoki, qui n'avait aucune raison de se trouver ici. Aucun passé ne la liait à ces lieux, aucun souvenir de souffrance et de haine. Mais elle... Elle ne pouvait pas partir avant d'avoir récupéré son sabre. Karya le savait bien, et c'était pourquoi il l'avait laissée libre de ses mouvements. Un regard au visage déterminé mais fragile de son amie la décida à lui cacher cet élément. Elle reléga son pessimisme au plus profond d'elle-même et prit une voix assurée.

"Oui. Nous partirons. Nous reverrons Cathara...
Le serment de te délivrer je fais,
Enfermée tu ne resteras pas.
Sais-tu qui de ta cellule a la clef ?"

Elle s'appuya contre les grilles pour se rapprocher de son amie. Comme elle aurait voulu pouvoir entrer... Elle heurta sa main blessée contre les barreaux et tressaillit de douleur. Un coup d'oeil à l'entaille lui montra que son trajet à travers les couloirs de la forteresse n'avait pas amélioré l'état de sa blessure. Elle s'en occuperait plus tard.

La jeune neko se leva et s'approcha des barreaux à son tour.

"J'ignore où se trouve la clé, elle est sûrement entre les mains du gardien."

Elle remarqua alors que la damnée était entaillée à la main et se rappela aussi le doute qui l'avait incitée davantage à demander à Karya de l'amener.

"Tu es blessée ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Comment Karya t'a-t-il amené ici ? Comment a-t-il fait pour te garder ici ?"

Entre les mains du gardien... Non, impossible. Karya n'aurait pas pris un tel risque, en sachant qu'elle allait et venait librement dans la forteresse. Cela aurait été comme ouvrir la porte à Kyoki, un simple gardien n'ayant aucune chance de résister longtemps à la jeune damnée, même sans son sabre. Dans ce cas...

"Ce que je peux faire pour toi,
Je le ferai, dans les plus brefs délais.
Ne t'en fais pas, repose-toi sur moi,
Je saurai bien trouver cette clé."

Lynhild regarda à nouveau sa main. Pas étonnant que l'état de sa blessure n'ait inquiété son amie...

"Karya a brisé mes chaines, mais en veillant
Du même coup, à me blesser profondément.
Une jeune fille, pour ressusciter,
M'a enlevée et à Karya livrée."

Elle n'avait pas répondu à la dernière question de Kyoki, et se doutait bien que la jeune neko ne serait pas dupe, mais elle voulait retarder le plus possible le moment de lui dire la vérité. Qu'elle ne pourrait pas s'enfuir avec elle...

Karya, cette enflure ! Sa cruauté n'avait-elle donc pas de limites ? Et surtout, qui était vraiment cette étrange personne ? Bien des mystères l'entouraient. D'ailleurs, aurait-elle des liens avec Kaze ? Elle avait beau ignorer tout d'elle, elle la détestait ! Elle fit apparaître l'épée qu'elle avait trouvée quelques jours auparavant.

"Dis-moi... Est-ce que tu sais quelques choses sur cette jeune fille ? Penses-tu qu'elle pourrait avoir un lien avec cette épée ?"

L'arme la fascinait au plus haut point. Lorsqu'elle l'aperçut pour la première fois, elle était persuadée que son ancien propriétaire devait être un colosse, mais au fur et à mesure qu'elle en apprenait plus, d'autres énigmes venaient assombrir le passé de cette lame.

Lynhild observa l'épée attentivement. Puis elle secoua doucement la tête d'un air de regret. Cela ne lui disait décidément rien. Elle s'apprêtait à demander à Kyoki pourquoi elle supposait un lien entre cette épée et la jeune fille qu'il l'avait assommée et livrée à Karya lorsqu'une vision la prit par surprise. Aka... Humaine, morte... Un serment, Karya... Le Roi-Démon ! La jeune damnée était pétrifiée par l'horreur de ce qu'elle voyait. Lorsqu'elle reprit conscience d'elle-même, elle était allongée au sol, agitée de tremblements nerveux. Elle devait être tombée brusquement, car une douleur du côté droit l'avertissait qu'elle s'était fait un beau bleu... Elle se redressa comme elle put, encore très faible.

"Elle...Aka Hoshi... C'est elle...
Démone est sa race actuelle,
Du Roi-Démon elle est l'héritière
Et cette épée à elle était hier.
J'ai vu..."

Elle se tut, secoua à nouveau la tête, toujours agitée de frissons. Elle ne pouvait pas en dire plus...

"Lynhild ! Ça va ?!"

Au grand soulagement de la femme-chat, son amie se releva, mais très tremblante.

"Elle...Aka Hoshi... C'est elle...
Démone est sa race actuelle,
Du Roi-Démon elle est l'héritière
Et cette épée à elle était hier.
J'ai vu..."

Kyoki considéra l'épée avec horreur. Elle appartenait donc... au nouveau Roi-Démon ? La jeune neko faillit la lâcher, mais, au contraire, resserra son étreinte sur la poignée, comme pour empêcher l'aura maléfique de son ancienne partenaire de s'en dégager.

"D'un démon..? Cette épée appartient à un démon ?! Mon Dieu !"

Soudainement, elle commença à avoir peur. Non pas de l'arme, mais du Roi-Démon. Elle avait lu beaucoup de choses à son sujet, mais n'avait jamais vraiment réalisé la terrible puissance dont il pouvait faire preuve. La terreur lui serrait le ventre, elle commença à tituber et tomba à genoux, les bras enlacés autour d'elle, frissonnant d'effroi.

"Quelle horreur... Nous devons faire quelque chose avant qu'il ne soit trop tard ! Et vite ! Mais quoi ?"

Tout commença à se troubler dans son esprit, entre l'héritière du Roi-Démon et son inquiétude pour Lynhild, Kyoki commençait à perdre la raison. C'était comme ça, dès que la peur, la colère ou la tristesse se faisait trop forte en elle, la jeune neko devenait complètement folle. Seul le temps lui permettait de recouvrer sa conscience. Pourtant, elle résistait de toutes ses forces.

"Non... se dit-elle, je dois résister ! Il ne faut pas céder à la folie maintenant !"

Sa respiration se fit haletante, mais elle finit par se calmer. Elle soupira et releva la tête.

"Je suis désolée... je suis fatiguée, et stressée. Tout d'abord, il va falloir me faire sortir de là, ensuite, nous trouveront la solution pour retrouver Cathara."

Lynhild ferma les yeux, cherchant à contrôler les tremblements qui parcouraient tout son corps. Mais ils n'avaient pas l'air de vouloir passer. La vision avait dû lui prendre encore plus d'énergie qu'habituellement. Le fait qu'elle ait été épuisée au départ jouait peut-être aussi. Elle dit doucement, les yeux toujours fermés :

"Le nouveau Roi-Démon elle n'est pas ;
De tous les Enfers elle n'est pas le roi.
Mais le risque existe et il faut l'arrêter.
Le Roi-Démon, mon père l'avait connu,
Il nous a raconté comment il a vécu.
Nous devons l'empêcher de recommencer.
Je trouverai un moyen de te délivrer,
Et Cathara tu iras alerter.
Mais je suis à bout de force, épuisée.
Je vais devoir avant me reposer..."

La jeune damnée se força à sourire malgré la fatigue qui la tenaillait. Seul le mur lui permettait de ne pas s'effondrer à nouveau. Elle aurait voulu pouvoir aller rassurer son amie, qui semblait réellement effrayée et près de sombrer dans la folie, mais une grille les séparait. Pourtant, il était urgent de réagir. Dès qu'elle serait en état de réutiliser son don de vision, elle s'en servirait pour découvrir l'endroit où se trouvait la clé et irait s'en emparer. Sa volonté était inébranlable et étonnamment cette nouvelle, au lieu de la désespérer encore plus, lui avait redonné le courage de lutter.

"Je te jure que nous nous en sortirons
Et que de nuire nous l'empêcherons !"